Des députés de l’opposition ont fustigé la loi adoptée durant la nuit, affirmant qu’elle est conçue pour créer des dissensions au sein de la société israélienne.
Times of Israel, 20 juillet 2018
Les réactions à l’adoption, par la Knesset, dans la nuit de mercredi à jeudi, de la loi sur l’État-nation juif, étaient mitigées selon les partis. Le Premier ministre Benjamin Netanyahu a salué « un moment charnière dans les annales du sionisme et de l’État juif ».
Les députés ont approuvé le texte, qui consacre Israël comme « foyer national du peuple juif dans les lois fondamentales, qui ont une valeur quasi-constitutionnelle, en seconde et troisième lectures à 62 voix pour et 55 contres, et deux abstentions, après des heures de débat houleux dans le plénum de la Knesset.
La radio publique a souligné que sur les 120 députés, 45 parlementaires juifs d’opposition avaient voté contre la loi.
Le texte amendé affirme que « l’Etat considère que le développement des implantations juives relève de l’intérêt national et que l’Etat prendra les mesures pour encourager, faire avancer et servir cet intérêt ».
Alors que la coalition a célébré l’adoption de la loi, les membres de l’opposition ont déclaré qu’elle était nationaliste, séparatiste et qu’elle menaçait la démocratie.
Netanyahu a déclaré : « nous avons inscrit dans la loi le principe fondamental de notre existence. Israël et l’État-nation du peuple juif, qui respecte les droits individuels de tous ses citoyens. C’est notre état, l’État juif. Ces dernières années, certains ont tenté de remettre cela en question, d’ébranler notre raison d’être. Aujourd’hui, nous en avons fait une loi : c’est notre nation, notre langue et notre drapeau. »
Le principal parrain de cette loi au fil des années, l’ancien chef du Shin Bet Avi Dichter, a déclaré qu’elle venait répondre à tous ceux qui estiment que la viabilité d’Israël n’est que temporaire, en référence aux propos du député arabe Jamal Zahalka, qui avait déclaré que les Arabes survivront aux Juifs dans le pays.
« Tout ce que vous pouvez être, c’est une minorité égale, pas une nationalité égale », a déclaré Dichter.
« Contrairement à la désinformation et aux fake news qui ont inondé [la conversation], la Loi Fondamentale n’affecte pas les cultures minoritaires d’Israël », a-t-il affirmé. Il a ajouté que le texte n’enlève rien au statut de la langue arabe.
L’une des clauses de la loi rétrograde la langue arabe de langue officielle et lui octroie un statut « spécial, mais stipule également que « cette clause ne porte pas atteinte au statut de la langue arabe avant l’entrée en vigueur de la loi. Le texte de loi est disponible ici.
Le président de la Knesset Yuli Edelstein (Likud) a également célébré cette adoption, affirmant que l’assemblée générale était entrée « dans l’histoire » et a jugé que cette nouvelle législation était « l’une des lois les plus importantes à avoir été adoptée par la Knesset ».
Le ministre du Tourisme Yariv Levin a condamné l’opposition manifestée par la faction de l’Union sioniste, et notamment par le parti travailliste, son principal détracteur.
« Dites-nous honnêtement, les travaillistes : contestez-vous le droit du peuple juif sur la terre d’Israël ? Est-ce notre État-nation ? Notre drapeau n’est-il pas accepté par vous ? Il n’y a jamais eu un tel rejet des valeurs sionistes par le parti travailliste. »
Les opposants ont estimé que la loi était discriminatoire envers les Arabes israéliens et les autres minorités, et provoquaient inutilement ces minorités en mettant en exergue une attitude préférentielle envers le judaïsme.
Shelly Yachimovich, de l’Union sioniste, a déclaré : « personne ne pense que [la coalition] est intéressée par la nationalité et l’État d’Israël », ajoutant que la loi encourage une forme de nationalisme « dévaluée » qui « hait l’Autre ».
La députée Tzipi Livni a déclaré que la loi dans sa forme actuelle plaçait la politique au-dessus du contenu. « Quand j’ai demandé aux députés pourquoi ils ne soumettaient pas une version de loi qui pourrait rassembler une centaine de députés, ils ont souri sarcastiquement et m’ont dit que Netanyahu voulait une loi qui crée des dissensions. « Autrement, comme les gens sauront qu’il est plus patriote que toi ? Que tirerions nous du soutien [à cette loi] ?’ Voilà la méthode. »
Isaac Herzog, chef sortant de l’opposition et nouveau chef de l’Agence juive, a été plus ambivalent mais a exprimé ses craintes.
« La question qui se pose, c’est : est-ce que la loi va blesser ou renforcer Israël », a-t-il dit. « L’histoire en sera juge. J’espère vraiment que l’équilibre délicat entre les aspects juif et démocratique [d’Israël] n’en sera pas perturbé. »
Le député Elazar Stern, du parti d’opposition Yesh Atid, a déclaré que la loi était une insulte « à nos frères druzes et bédouins qui servent à nos côtés à l’armée et au sein des services de sécurité ».
Benny Begin, seule voix dissidente au sein du Likud, a déclaré que cette loi n’était pas ce qu’il attendait de son parti, et a averti qu’elle pourrait aggraver les tensions sociales et renforcer le nationalisme extrémiste.
La chef du Meretz Tamar Zandberg a également déploré « une nuit honteuse » et « une loi dévaluée et contaminée ».
La critique la plus vive a été prononcée par la Liste arabe unie, qui a qualifié la loi d’ « anti-démocratique, colonialiste, raciste, au caractère d’apartheid très prononcé ».
« Cette loi ne mentionne ni le mot démocratie ni le mot égalité, et s’engage à une emphase brutale de la suprématie ethnique, ne laissant aucun doute sur le fait qu’il y ait des types de citoyenneté – les Juifs de première catégorie et les Arabes de seconde catégorie », a déclaré le parti.
Ayman Odeh, chef de la Liste arabe unie, a déclaré dans un communiqué qu’Israël a adopté une loi de suprématie juive et a affirmé que nous [les minorités] seront toujours des citoyens de seconde classe… Le régime de Netanyahu crée un puits de peur, de racisme, d’autoritarisme, afin de nous diviser ».
Il a ajouté que « nous n’autoriserons pas la majorité à nous humilier et à nous détruire » et s’est engagé à se battre pour « un futur pour nous tous, dans la démocratie, l’égalité et la justice ».
Un autre député arabe, Youssef Jabareen, a affirmé que cette loi encourageait « non seulement la discrimination, mais aussi le racisme, elle va perpétuer le statut d’infériorité des arabes en Israël », l’Etat hébreu agissant comme « un mouvement juif et colonial, qui poursuit la judéisation de la terre et continue à voler les droits de ses propriétaires ».
Cette loi est « dangereuse et raciste par excellence », a fustigé le secrétaire général de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), Saëb Erekat, sur son compte Twitter, affirmant qu’elle légalisait « officiellement l’apartheid ».
Selon lui, le texte « dénie aux citoyens arabes leur droit à l’autodétermination qui n’est plus déterminé que par la population juive ».
Pour Shuki Friedman, membre du groupe de réflexion Israel Democraty Institut, la loi a un caractère avant tout symbolique, mais elle va contraindre les tribunaux à prendre en compte le caractère juif de l’Etat ce qui va aboutir à une « interprétation plus restrictive des droits des Arabes ».
En soulignant le caractère juif de l’Etat, cela « réduit, indirectement, son caractère démocratique », a ajouté Shuki Friedman.
L’Union européenne s’est dite « préoccupée » par l’adoption de cette loi car cela risque de « compliquer » la solution à deux Etats pour régler le conflit israélo-palestinien, et la Ligue arabe, la jugeant « dangereuse », a jugé qu’elle consolidait des « pratiques racistes ».