Aucun pays ne peut à la longue vivre par les mensonges politiques

Karl Müller

Les voix approuvant la politique dénuée de toute éthique et ne pouvant se mesurer selon les critères moraux existent depuis toujours. La politique, selon ces voix, est un instrument pour imposer les intérêts – et pour cela la fin justifie les moyens.
Cependant, en tout temps, des moralistes n’ont pas partagé cet avis. De la tragédie de l’antiquité à nos temps en passant par Friedrich Schiller, il y a eu des personnes mettant en garde contre l’amoralité politique … car elle mène à la catastrophe.
Les auteurs des tragédies antiques affirmaient que la présentation sur la scène théâtrale de l’amoralité et ses effets catastrophiques, la chute profonde du monarque dépourvu de valeurs morales, entrainait déjà la catharsis, une purification intérieure et un retour sur le chemin de la morale. Pour «les petites gens» cela était peut-être valable, mais malheureusement pas souvent pour les souverains, visitant eux aussi les théâtres. Encore à l’époque d’avant la Révolution française, on se racontait que la noblesse applaudissait fortement au théâtre, quand leurs sales tours étaient interprétés, sans que cela change quoi que ce soit à leur mode de vie. Aujourd’hui nous savons: simplement dénoncer l’amoralité n’améliore pas la politique.

De «Tu ne porteras point de faux témoignage contre ton prochain» …

Mais la raison porte à croire, qu’aucun pays ne peut vivre à la longue par le mensonge. Le 9e commandement de l’Ancien Testament dit: «Tu ne porteras point de faux témoignage contre ton prochain.» Cela n’était certainement pas un commandement pour une vie plaisante à Dieu pouvant nous garantir une place au ciel, mais une structure de comportement pour la vie en commun sur terre – à l’époque cependant uniquement au sein de sa propre tribu. Envers l’«ennemi» cela n’était d’aucune valeur.

… aux «règles de la bonne foi»

Mais l’idée est devenue universelle: si je ne peux plus faire confiance aux paroles et aux actes d’autrui et si les paroles et les actes d’autrui ne correspondent pas à la vérité – du moins la vérité, dont il est sérieusement convaincu – alors la coopération est sapée et la dignité humaine bafouée. Avec le principe de la «bonne foi» («bona fides») cette connaissance de base a été reprise dans la doctrine du droit et demeure reconnue depuis la République romaine. Quiconque ne l’estime pas, ne voit pas plus loin que son bout du nez – ni dans l’antiquité, ni avant la Révolution française … ni au temps présent!
Mais les exemples prouvant que les mensonges sont toujours fréquents en politique ne manquent pas. Voici un petit choix de cas récents.

Mensonges politiques de notre temps: Premier exemple – Emmanuel Macron

Le 26 septembre 2017, deux jours après les élections fédérales allemande, le Président de la République française Emmanuel Macron a tenu un discours très suivi. Il avait choisi comme lieu pour son discours l’Université de la Sorbonne de Paris, un haut-lieu de la science et de recherche de la vérité. Son sujet était l’état actuel et l’avenir de l’Union européenne. Son mensonge commença déjà dans la première phrase, lorsqu’il parla d’Europe en pensant à l’UE. Puis, il insinua qu’il n’y avait que deux alternatives: la première est une formation supranationale, devenue en plusieurs étapes l’Union européenne – pour Macron un lieu de «coopération fraternelle» et de «rivalité pacifique», servant dès le début uniquement à une chose: la «promesse de paix, de prospérité et de liberté». Mais ce magnifique ouvrage est sérieusement mis en danger par la seconde alternative: «le nationalisme, l’identitarisme, le protectionnisme et le souverainisme isolationniste.»
Le fait que cette image manichéiste de l’Europe n’a que très peu à faire avec la réalité, ne dérange ni Macron et ni ses écouteurs. Et on se demande: quand prendra-t-on enfin conscience qu’il existe un grand nombre de personnes critiques face à l’UE et partisans des peuples souverains, pour qui «la paix, la prospérité et la liberté» forment l’objectif suprême et qui n’ont aucun intérêt pour les caricatures auxquelles on les confronte sans cesse? Quand le projet d’une Europe supranationale s’est-il réellement occupé de la paix, de la prospérité et de la liberté? Ne s’est-il pas davantage préoccupé de la guerre froide et des Etats-Unis, le réel promoteur d’une Europe supranationale?

Guidé par le sobre esprit du pouvoir

Une citation de 1948 de George F. Kennan, un conseiller renommé de politique étrangère du gouvernement américain de l’époque, laisse songeur: «Les Etats-Unis possèdent environ 50% des richesses du monde, mais ne représentent que 6,3% de la population mondiale. […] Notre véritable tâche dans l’époque actuelle est de développer un système relationnel nous permettant de maintenir cette position d’inégalité, sans que notre sécurité nationale soit sérieusement menacée. A cette fin, nous devons en finir avec toutes les sentimentalités et les rêveries, notre attention doit toujours et partout se concentrer sur nos buts nationaux immédiats. Nous devrions arrêter, de parler d’objectifs vagues et irréalistes tels les droits de l’homme, la hausse du niveau de vie et la démocratisation. Le jour approche, où notre action devra être dirigée par le sobre esprit de pouvoir. Moins nous serons gênés par des paroles idéalistes, mieux ce sera.»
Emmanuel Macron n’est pas un demeuré. Il sait parfaitement, ce qu’il dit. Quel en est le but?

Deuxième exemple – Wolfgang Ischinger

Wolfgang Ischinger, président du «Forum de Munich sur les politiques de défense», a donné une longue interview dans l’édition janvier/février 2018 du magazine Internationale Politik (IP). Le magazine IP est édité par la semi-officielle Deutsche Gesellschaft für Auswärtige Politik (DGAP). La DGAP est également appelée, selon son modèle étatsunien, German Council on Foreign Relations. Dans cette interview Monsieur Ischinger prétend, à l’encontre de la vérité, que l’Occident et notamment l’Allemagne a fait tout son possible, entre la fin de la guerre froide et 2014, pour bien s’entendre avec la Russie. Cependant, la Russie a voulu montrer un autre visage, en 2007 lors du discours du président Poutine au Forum de Munich, puis lors de la guerre de 2008 en Géorgie et finalement en 2014 en Ukraine. Néanmoins la politique étrangère allemande s’efforce jusqu’à nos jours de trouver un climat d’entente. C’est pourquoi les «travaux de réparation ont commencé» déjà en 2014 – mais «jusqu’à présent ils ne sont pas couronné de succès». Cela représente pour l’Allemagne «un des grands défis, car le but d’établir une relation avec la Russie avec le moins possible de conflits fait partie de la raison d’Etat allemande». Mais il est vrai: «L’autre partie doit également le vouloir, et en ce moment, elle ne veut pas.»
Il est fastidieux de toujours répéter, ce que M. Ischinger omet une fois de plus: le démontage de la Russie dirigé par l’Occident dans les années 90, l’expansion de l’OTAN vers l’Est jusqu’au coup d’Etat en Ukraine fomenté avec détermination entre autre par l’Allemagne. Pourquoi M. Ischinger ne parle pas de cela? Quels sont les buts qu’il veut atteindre?

Troisième exemple – accord de sondage entre CDU, CSU et SPD

L’accord de sondage entre CDU, CSU et SPD du 18 janvier 2018. A la page 25, dans la première phrase du chapitre intitulé «Politique étrangère, développement et Bundeswehr» il est écrit: «La politique étrangère allemande s’engage pour la paix.» Puis: «Nous nous engageons durablement en faveur d’un ordre mondial pacifique, stable et juste.» Compte tenu des faits réels, on pourrait devenir cynique. Ou alors simplement s’étonner du fait, que le nouveau gouvernement allemand veut totalement transformer la politique étrangère des années passées – si l’on pouvait faire confiance aux mots. Mais pourquoi ici aussi, y a-t-il bouche cousue sur tous les aspects militaires de la politique étrangère allemande depuis la fin des années 1980: dissolution de l’ex-Yougoslavie, implication active dans la création de l’organisation terroriste UÇK depuis le milieu des 1990, co-responsable de l’Accord bâillon de Rambouillet au début 1999, participation des forces aériennes à la guerre d’agression illégale selon le droit international contre la République fédérale de la Yougoslavie de mars à juin 1999, participation active à la guerre d’agression contre l’Afghanistan dès 2001, soutien logistique de la guerre d’agression illégale contre l’Irak en 2003 et ainsi de suite – jusqu’à nos jours. Quel est le but de ces mensonges? Les auteurs de telles phrases croient-ils vraiment qu’on leur fait confiance?

Quel est le prix du mensonge politique?

Ces trois exemples doivent suffire. Chaque lecteur pourra en joindre d’autres. Devons-nous nous y accommoder? Quel prix aurons-nous à payer, si nous nous résignons à accepter de tels mensonges politiques (comme cela arrive si souvent au cours de l’Histoire)? Un regard dans les livres d’histoires devrait suffire, pour réaliser quel en est le prix.
La vérité est exigeante. Sa recherche et l’effort pour sen approcher est un défi intellectuel et émotionnel. De beaucoup de vérités nous ne pouvons que nous en approcher; car beaucoup de faits ne sont pas (encore) connus. La recherche de la vérité est une tâche à accomplir en commun. Etudier, recueillir, examiner, discuter, corriger, compléter, élargir et ainsi de suite. Le mensonge, par contre, est simple: je prétends simplement quelque chose que j’ai inventé moi-même. Les motifs sont souvent très variés. En règle générale, il s’agit en politique du pouvoir, de la dominance – et des intérêts.
Un jugement moral concernant le mensonge politique ne nous apporte rien. Mais la réflexion des conséquences vaut la peine. Puis, il s’agit de prendre des contre-mesures auxquelles chacun peut participer.
Actuellement, on peut observer les conséquences d’un mensonge politique à Cottbus au Brandebourg. Outre les mensonges «la guerre crée la paix», «la globalisation est bonne», «les Etats nationaux sont dangereux», le mensonge de l’immigration allemande montre de plus en plus ses effets tragiques. Cottbus est une sorte de microcosme illustrant à quel point les promesses des partisans de la migration étaient et demeurent creuses. A Cottbus se sont développées des confrontations violentes entre migrants et d’autres habitants de la ville. Les autorités sont débordées, l’«intégration» n’a pas lieu et la ville se trouve depuis plusieurs semaines sur les gros titres négatifs des médias. Le mensonge politique concernant l’immigration a divisé la population allemande et posé le pays devant d’énormes problèmes, provoqués par une «culture d’accueil» gouvernementale s’avérant être une d’une grave négligence.

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