Par Abdel Bari Atwan (revue de presse : Chronique de Palestine – 12/8/18)*
Israël peut menacer et gonfler les muscles, mais il a perdu sa capacité à influencer les développements sur le terrain en Syrie.
Chaque fois que l’armée syrienne remporte une victoire sur le terrain et reprend le contrôle d’une des principales villes ou d’un des gouvernorats syriens, les dirigeants israéliens se sentent frustrés et dépités. Ils réagissent en lançant des tirs de missiles ou des raids aériens pour frapper une cible ou une autre en Syrie, de façon à donner à un public israélien anxieux l’impression qu’il reste fort et garde l’avantage dans la région.
Les unités avancées de l’armée syrienne ont atteint la frontière syro-jordanienne et ont décroché le drapeau de l’opposition qui dominait alors le poste frontalier de Nusayib. Cela a mortifié la direction israélienne, et ses frappes aériennes qui ont suivi ont donné une idée de l’ampleur du revers subi, de ses craintes quant aux conséquences futures et de sa confusion quant à l’évolution des développements militaires et politiques sur le terrain.
Le dernier raid aérien israélien sur la base aérienne T-4 près de Homs – sous prétexte de cibler des forces iraniennes et libanaises du Hezbollah – était le troisième du genre en l’espace de trois mois. La répétition de ces frappes confirme le fait important que les attaques précédentes ont échoué. Elles n’ont atteint aucun de leurs objectifs et ont rencontré à trois reprises une résistance efficace des défenses aériennes syriennes – bien qu’elles aient causé des morts et des pertes matérielles comme on pouvait s’y attendre.
L’ancien commandant de l’armée de l’air israélienne a admis que les avions de combat israéliens avaient effectué plus de 100 raids aériens contre la Syrie tout au long de son mandat de trois ans. Mais il est clair que ces raids, utilisant les avions de guerre américains les plus avancés, n’ont pas affaibli l’État syrien ni atteint leur but qui était de démoraliser son armée ou son régime. Ces derniers ont réussi à sortir du goulot d’étranglement, à reconquérir plus de 90% du territoire du pays, et ils se préparent maintenant à mener la plus importante de toutes les batailles – celle de la reconstruction – et à ouvrir les bras au retour de millions de personnes, réfugiés et déplacés syriens.
Depuis plus de deux ans, le Premier ministre israélien Binyamin Netanyahu et le ministre de la Défense Avigdor Lieberman menacent de ne pas permettre à l’Iran de consolider sa présence en Syrie et d’utiliser le pays comme tremplin contre Israël. Mais ces menaces n’ont absolument aucun effet et n’intimident ni les Syriens ni les Iraniens – comme en témoigne l’avancée constante de l’armée syrienne sur le front sud-ouest soutenue par des unités iraniennes et du Hezbollah.
Si Netanyahou était vraiment capable de concrétiser ses menaces de supprimer la présence militaire iranienne en Syrie, pourquoi est-il retourné à Moscou pour la troisième fois cette année pour implorer le président russe Vladimir Poutine d’user de son influence pour l’aider à remplir son objectif ? Et où ? Dans un pays où l’armée lutte inlassablement et sans relâche depuis sept ans, sur parfois plus de 70 fronts simultanément, contre les grandes puissances régionales et internationales dirigées par les États-Unis…
Les raids aériens d’Israël sur la Syrie ont cessé d’avoir un impact réel sur le cours des événements dans la région. Les rapports de ces raids sont devenus des communiqués de routine publiés au bas des pages intérieures des journaux. Les représailles à leur encontre peuvent avoir été reportées en raison d’autres priorités déterminées par une stratégie qui a prouvé son efficacité sur le terrain, plus récemment à Deraa. Mais cela ne signifie pas que ces représailles ne se produiront pas.
La Syrie, comme nous l’avons déjà dit et il n’y a aucun mal à le répéter avec insistance aujourd’hui, avance de plus en plus sur la voie du rétablissement – avec un sens croissant de détermination, de confiance et de foi dans la perspective d’un avenir meilleur fondé sur l’indulgence, le pardon et la retenue, le tout conduisant, espérons-le, à la réconciliation nationale.
Abdel Bari Atwan est le rédacteur en chef du journal numérique Rai al-Yaoum. Il est l’auteur de L’histoire secrète d’al-Qaïda, de ses mémoires, A Country of Words, et d’Al-Qaida : la nouvelle génération. Vous pouvez le suivre sur Twitter : @abdelbariatwan
Publié par Gilles Munier, 20 Juillet 2018,