Pour la première fois depuis la révolution islamique, les autorités iraniennes ont autorisé des forces militaires d’un pays étranger, en l’occurrence la Russie, à utiliser leur aérodrome militaire. Cette autorisation avait été donnée dans le cadre des accords bilatéraux de coopération dans la lutte contre le terrorisme et a permis à la Russie de renforcer les bombardements de bases et réserves d’armes des groupes de l’État islamique. Ce qui aurait du satisfaire tout le monde. Mais les États-Unis ont provoqué un scandale diplomatique pour mettre fin à une coopération russo-iranienne d’une telle intensité. Montrant par là même que la lutte contre le terrorisme n’est pas le but de la présence militaire américaine au Moyen Orient.
Le 16 août, les autorités russes et iraniennes annoncent que l’Iran autorise la Russie à utiliser l’aérodrome de Hamadan pour ses bombardiers dans le cadre de la lutte contre le terrorisme en Syrie. L’aviation russe a effectué un raid et a détruit des bases d’entrainement et les réserves d’armes des groupes de Al Nusra et de l’État islamique dans les régions d’Alep, de Deir ez Zor et Idlib. L’effectivité de l’aviation russe a été décuplée. La distance entre le point de départ et le but étant réduit, il faut moins de carburant et plus de bombes peuvent être embarquées, ce qui peut être décisif pour faire tomber les terroristes qui tiennent la population d’Alep en otage.
Et en effet, immédiatement, l’on voit intervenir le porte-parole du Pentagone accusant la Russie de violer les résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU à l’égard de l’Iran. Le ministre russe des affaires étrangère, S. Lavrov, répond immédiatement en remettant les choses à leur place. La Russie ne viole pas les résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU puisqu’elle ne vend pas à l’Iran des armes ni des avions de guerre. Elle utilise ses avions de guerre sur un aérodrome iranien, sur accord du Gouvernement iranien et aucune autorisation du Conseil de sécurité n’est ici nécessaire. L’on aurait pu croire la question fermée. Mais non.
Le 20 août, le ministre de la défense iranien soutient que la Russie intervient sur demande du Gouvernement iranien, avec l’autorisation du Conseil supérieur de défense et qu’elle pourra utiliser l’aérodrome aussi longtemps que cela sera nécessaire. Que pour l’instant il n’y a pas de raison pour utiliser d’autres aérodromes, mais si la question se pose, elle sera analysée.
Pourtant, le lendemain, ce même ministre déclare à la deuxième chaîne de télévision iranienne que la Russie diffuse l’information quant à l’utilisation de l’aérodrome iranien sans autorisation uniquement pour se vanter et montrer qu’elle est un acteur international de poids dans la région. Comportement qui est inacceptable.
Bref, dans l’après-midi, la Russie plie bagages et les bombardiers rentrent au bercail. Pour ne pas aggraver le conflit, elle déclare que ses objectifs ont été remplis et ne voit pas la nécessité, pour l’instant, de positionner plus longtemps ses bombardiers en Iran.
Comment expliquer un si soudain retournement de situation ? Deux explications, qui ne s’excluent pas l’une l’autre, sont avancées.
Il semble dès lors très probable que les États-Unis aient utilisé de possibles discordes intérieures pour ralentir la coopération entre la Russie et l’Iran. Car si la Russie usait déjà avant les aérodromes iraniens, elle ne l’avait jamais fait avec une telle intensité. Or, non seulement cela renforçait la position russe dans la région, mais cette suractivité présentait des risques non négligeables pour la survie des groupes terroristes en Syrie, notamment à Alep.
Quoi qu’il en soit, certaines conclusions peuvent déjà être tirées. La plus évidente est que la lutte contre le terrorisme n’est pas le but de la coalition américaine. Dans le cas contraire, elle aurait du saluer la possibilité d’un renforcement des moyens d’actions. La lutte contre le terrorisme semble principalement être un slogan avancé pour justifier manœuvres et interventions armées dans une région présentant un intérêt stratégique élevé. La seconde conclusion est que le rapprochement entre l’Iran et la Russie reste fragile et conjoncturel, plus que stratégique.
Source: Russie politics