CETA/TTIP: la troisième phase du colonialisme

Par Eberhard Hamer, professeur en sciences économiques.

bulle


1° A partir de la fin du XVIIe siècle, le mercantilisme stipula qu’une nation ne pouvait s’enrichir que si elle transformait des matières premières à valeur modeste en produits finis à haute valeur ajoutée pour les revendre. C’est dans ce but que les nations maritimes occidentales, notamment les Pays-Bas et l’Angleterre, furent les premières à fonder des «compagnies à charte» pour se procurer aux Indes orientales, en Afrique et en Amérique du Sud des matières premières. Celles-ci furent importées en Europe et transformées en produits finis, avant d’être à nouveau exportées. Les bénéfices ainsi créés offraient, selon la théorie du mercantilisme, le profit maximal.

Le système colonial du mercantilisme

Il est évident que les sources de matières premières furent disputées par de nombreux concurrents. C’est pourquoi les compagnies à charte, avec le soutien de leur gouvernement tentèrent de se procurer les sources de matières premières en s’appropriant des «colonies» pour les transformer en territoires hollandais, anglais, français ou espagnols. Cela ne leur permettait pas seulement de garantir l’accès aux marché des matières premières et d’en tirer profit, mais aussi de tenir à l’écart les nations rivales.
C’est à ce colonialisme qu’est dû une bonne partie de la prospérité des Hollandais au XVIe et XVIIe siècle, des Britanniques du XVIIe au XIXe siècle et des Espagnols, des Portugais et des Français. En pratique, ce principe colonial est synonyme de l’exploitation des colonies à l’avantage de la nation européenne, cette exploitation étant militairement soutenue et protégée par elle.
La Seconde Guerre mondiale a terminé cette forme de colonialisme, car les puissances coloniales n’étaient plus en mesure de dominer suffisamment leurs colonies afin de pouvoir brider leurs désirs de liberté. C’est ainsi que le système colonial du mercantilisme s’écroula au cours du dernier siècle.

La FED: une machine à imprimer des dollars …

2° Le grand capital anglo-saxon eut, au début du XXe siècle, une idée alternative avec la fondation de la Federal Reserve Bank (FED, fondée en 1913): on peut piller des États étrangers en leur offrant des crédits élevés avec du papier-monnaie imprimé soi-même. Puis, on leur demande le remboursement de ces crédits par les intérêts, les intérêts composés et l’amortissement – donc sous forme de tributs perpétuels. La base de cette pratique étant la FED, une véritable machine à imprimer des dollars. Le syndicat financier pouvait donc, à l’aide de sa FED, imprimer son propre argent, le mettre sous forme de crédits à disposition des banques et des États dans le monde entier et imposer ainsi, pratiquement à partir de rien, la servitude aux dettes à un nombre croissant de pays. Après avoir aboli la couverture-or du dollar, ce système de la servitude aux crédits, aux dettes et aux intérêts fut imposé au monde entier, par le biais des organisations financières dominées elles aussi par le même clan de la haute finance: le FMI, la Banque mondiale et l’ONU, ce qui eut comme effet que plus de 200 pays au monde devinrent tributaires d’intérêts au syndicat financier tandis que celui-ci fit stationner des troupes américaines dans ces pays pour sécuriser leur servitude à intérêts.

… et un empire à dollars

C’est ainsi que vit le jour l’empire à dollars avec des vassaux tributaires de montagnes de dettes et d’argent (en dollars) de créanciers n’ayant plus de couverture pour cet argent (monnaie fiduciaire).
Le système fut abusé et surchargé au point qu’une grande partie de ses vassaux, y compris les États-Unis eux-mêmes, ne pourront plus jamais rembourser leurs dettes. Le système est proche de l’explosion, et du crash – fait que confirma récemment le candidat à la présidence américaine Donald Trump.
L’empire du dollar en tant que deuxième empire colonial n’est pas seulement le plus grand et le plus omniprésent qui ait jamais existé au monde, il est aussi le plus rentable. Les revenus du syndicat financier tiré de ce système de servitude à dettes ont été plus grands que ceux provenant des colonies dans leur totalité. Le deuxième empire colonial, celui du dollar, va bientôt exploser, comme un ballon, suite à une bulle d’air trop gonflée.

Acheter des entreprises à la criée et les transformer en monopoles mondiaux

3° Comme certains membres du syndicat financier (par exemple Soros, Rothschild) l’ont déjà annoncé, la deuxième phase du colonialisme va bientôt imploser. Ils ont bien sûr déjà pris leurs précautions. Avec son argent fiduciaire, dont la valeur ne dépasse pas le prix du papier sur lequel il est imprimé, le syndicat financier anglo-saxon a acheté systématiquement les matières premières et les grandes entreprises du monde entier qui y sont liées (dans les domaines de l’énergie, des métaux, de l’eau, des semences, etc.) pour créer des monopoles mondiaux lui permettant de toucher, en cas de disparition de l’empire financier, une rente différentielle à travers les prix monopolistiques redevables sur les matières premières – donc des gains spéciaux grâce aux chantage exercé envers les consommateurs du monde entier de ces matières premières. Alors, ce ne seront plus les intérêts qui garantiront les revenus coloniaux, mais les prix élevés des matières premières monopolisées, dont le monde entier aura besoin et dont la vente sera automatiquement garantie.

La nationalisation de sources pétrolières (Irak, Iran) ou de mines (Pérou), auparavant en possession du syndicat financier, ou le refus européen des semences génétiquement manipulées et monopolisées, ont montré que la puissance du monopole mondial du syndicat financier risque – notamment si les prix monopolistiques sont trop élevés –  que les États-nations limitent par voie législative les monopoles, les socialisent ou, comme l’a démontré le tournant énergétique, enlèvent toute valeur à des monopoles par un changement politique imprévu (énergie nucléaire).

CETA/TTIP garantissent la position de monopole

Le syndicat financier a trouvé là-aussi une solution: ils ont fait élaborer, par des intermédiaires dans leur obédience parmi les fonctionnaires de l’UE et lors de négociations secrètes, le prétendu «accord de libre-échange» leur garantissant une position monopolistique dans les colonies. Parallèlement, il empêche ces dernières de limiter par voies démocratiques, politiques ou légales la position monopolistique des monopoles atlantistes internationaux.
Étant donné que l’implosion de l’empire du dollar est imminente, il faut que TTIP passe en force d’ici à janvier 2017. Le syndicat financier et les États-Unis veulent rester le cœur de l’économie mondiale, misant donc de plus en plus sur des accords commerciaux pour sauvegarder leur système de domination internationale et leurs intérêts.
Si l’on regarde de plus près les politiciens occupés à imposer les accords CETA/TTIP en Europe et quand on prend en compte à quel point ces personnes se trouvent dans des dépendances massives du syndicat financier des États-Unis, il ne faut surtout pas s’attendre à leur objectivité et loyauté envers les populations. Leur mission est claire: réaliser la troisième phase de la colonisation au profit des puissances atlantiques.

(Traduction Horizons et débats)

*    CETA (Comprehensive Economic and Trade Agreement) ou AECG (Accord économique et commercial global)
TTIP (Transatlantic Trade and Investment Partnership) ou PTCI (Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement), également connu sous l’acronyme TAFTA (Traité de libre-échange transatlantique)

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