Turquie, Russie: le «Munich» permanent de François Hollande

 Par Nicolas Dupont-Aignan

«Si on ne sait jamais avec certitude comment gagner la guerre, on sait comment la perdre», tonne le président de DLF. Pour Nicolas Dupont-Aignan, pour obéir à Bruxelles, Berlin et Washington, la France ne défend pas ses propres intérêts.

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Nicolas Dupont-Aignan, né à Paris en 1961, est un homme politique français, maire et député à l’Assemblée nationale de Yerres (Dép. Essonne). Il est président de «Debout la France» (DLF) et candidat à l’élection présidentielle.

La démission du gouvernement qui se dit en guerre contre le terrorisme islamiste mais sans en tirer les principales conséquences, ne se constate pas seulement, hélas, sur le front intérieur. Elle s’observe tout autant hors de nos frontières, où la politique étrangère de la France, phagocytée comme jamais par la bien-pensance et les intérêts d’autres puissances «amies», n’en finit plus de se fourvoyer. Qu’elle est loin cette diplomatie gaullienne qui forçait le respect de tous en refusant les compromis honteux, les allégeances serviles, les logiques de blocs et les reculades enrobées dans des principes dévoyés !

La ligne de François Hollande vis-à-vis de la Russie et de la Turquie, dans le contexte de la guerre d’extermination que nous a déclarée Daesh depuis son territoire syro-irakien, en fournit une illustration à la fois pathétique et d’une rare absurdité.

Arrangeante avec une Turquie de plus en plus islamiste et de moins en moins démocratique, cette ligne élyséenne fait preuve d’une inflexibilité aberrante vis-à-vis de la Russie, objectivement notre meilleur allié au Proche-Orient face à Daesh. La preuve que les prétendus valeurs et principes démocratiques qui animeraient notre diplomatie sont en réalité à géométrie variable, qu’ils ne sont que le faux-nez d’un inavouable «Munich» permanent !

Clairement, dans un cas comme dans l’autre, nous sacrifions nos intérêts fondamentaux – la sécurité de nos concitoyens et l’action pour un environnement international plus stable et plus équilibré – aux choix déraisonnables de partenaires bien encombrants.

Pour complaire à Berlin et ne pas froisser Bruxelles sur Schengen, François Hollande ne se fâchera pas avec la Turquie de M. Erdogan, qui menace de rouvrir à tout moment les vannes des migrants vers l’Europe. On n’en serait pas là si Mme Merkel, au lieu de créer unilatéralement un appel d’air migratoire l’année dernière, avait su réfréner une générosité qui se révèle à la longue bien irresponsable ! La purge sauvage de l’après-coup d’État comme les relations troubles d’Ankara avec Daesh – aussi bien en Syrie qu’en Libye – ne pèsent donc pas assez lourd pour mettre un terme aux négociations d’adhésion de la Turquie à l’UE ou à la liberté de circulation des ressortissants turcs en Union européenne programmée pour octobre. Surtout, nous nous trouvons dans l’incapacité de faire pression sur ce pays pour qu’il cesse tout soutien au Califat, vers l’écrasement duquel tous nos efforts devraient pourtant tendre.

Parallèlement, les États-Unis continuent de tout faire pour monter l’une contre l’autre l’UE et la Russie, de peur qu’une entente trop étroite entre elles affaiblissent la position américaine sur le Vieux Continent. C’est tout le sens de la nouvelle guerre froide, artificielle et aventureuse, que Washington a déclarée silencieusement à Moscou en pérennisant une alliance militaire obsolète – l’OTAN – et en défiant en permanence la Russie sur ses marches (Ukraine, Géorgie, etc.). Ce, malgré les promesses faites au début des années 90 de ne se livrer à aucune lutte d’influence dans les territoires de l’ancienne URSS. La fixation de l’Europe et de la France sur la crise ukrainienne ou l’annexion de la Crimée – une terre russe depuis des siècles ! – et les absurdes sanctions de l’UE contre Moscou, s’inscrivent dans cette politique si peu conforme à nos propres intérêts.

C’est une absurdité totale car seule la Russie a démontré l’efficacité de son engagement contre Daesh. Au contraire des États-Unis, dont l’action tortueuse vise manifestement autant, sinon plus, à tacler Moscou et Téhéran en installant à la place de Bachar al-Assad les rebelles syriens, qu’à lutter vraiment contre le terrorisme islamiste au Proche-Orient … Comment comprendre, sinon, l’aide militaire persistante de Washington à l’opposition syrienne désormais dominée par les factions affiliées à Al-Qaïda?! Qu’il ne soit pas forcément indiqué de consolider le pouvoir de Bachar al-Assad à travers la nécessaire lutte commune contre Daesh est une chose, que la chute à tout prix de celui-ci soit recherchée y compris par l’installation à Damas d’islamistes simplement concurrents de l’organisation État islamique, en est une autre ! Le gouvernement américain se rend-il compte de son irresponsabilité, lui à qui l’on doit déjà la destruction de l’État irakien il y a une décennie ? Et l’UE ?

Lâche apaisement vers la Turquie d’un côté, raideur absurde vers la Russie de l’autre, la diplomatie française se noie dans un indigne «Munich» permanent au service de Berlin et Washington. Il est plus que temps de réorienter la politique étrangère de la France: si on ne peut en effet jamais savoir à coup sûr comment gagner les guerres, on sait très bien comment on les perd…

Source: Le Figaro du 3/8/16

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